Risque ou ne pas risque ?
J'ai une question pour toi.
Qu'est-ce que ça doit faire un grimpeur qui devient parent ?
Abandonner l'escalade ? Faire garder ses enfants à tous les weekends ? Les amener de force à la falaise ? Les initier au plus vite ?
Évidemment que tout serait plus facile si c'était les enfants qui nous suppliaient pour aller grimper !
Pourtant, il y a plein de parents qui hésitent à faire commencer l'escalade à leurs enfants. On préfère se résigner à passer à autre chose. C'est bien ce que doivent faire des parents responsables, non ? Après tout, c'est dangereux l'escalade et ce n'est pas la place pour des enfants.
Quoi ?
Les grimpeurs n'ont pas peur des risques et ce n'est certainement pas pour ça que leurs enfants ne grimpent pas ?
Tu as raison. Moi aussi je pense que la prise de risques est une partie intégrante de l'apprentissage et du développement des enfants.
En fait, la majorité des parents pensent comme ça, pas juste les grimpeurs.
Pourtant, la réalité des enfants ne reflète pas ça du tout. Des études montrent qu'il y a un immense décalage entre ce que les gens disent sur les risques et ce que les enfants vivent pour vrai.
Par exemple, on voit que si la majorité des parents pensent que les enfants devraient avoir le droit de grimper aux arbres, moins d'un enfant sur neuf le fait régulièrement. Moins d'un sur neuf !! 1 sur 9 !!!!!
Un cas classique de bottines qui ne suivent pas les babines !
Pourquoi ?
Dur à dire.
Ça vient probablement d'une combinaison de facteurs.
Le monde est de plus en plus obsédé par l'idée du « danger zéro ». Ça nous fait peut-être développer des réflexes sans qu'on ne s'en rende compte.
Il y a sûrement aussi la peur d'être jugé par les autres parents, qu'ils soient hélicoptères ou non. La peine de prison n'est-elle pas de l'ordre de 20 ans pour avoir oublié le casque de vélo du petit dernier ?
Pas tout à fait peut-être, mais c'est ce que je lis dans les yeux des passants à chaque fois !
Mais surtout, je pense qu'il y a une méchante différence entre réfléchir froidement et rationnellement à la prise de risque lorsqu'on se fait poser la question, et se retenir d'intervenir quand le petit dernier se balance au bout d'une branche à deux mètres du sol !
Le problème, c'est que cette obsession pour la sécurité est une véritable catastrophe.
Toutes les études s'entendent : l'exposition progressive et raisonnable au risque est une composante primordiale du développement des enfants.
C'est en se salissant et en prenant des risques qu'ils apprennent à connaître leurs limites et commencent à les repousser. Le jeu risqué leur permet de développer leur confiance et leur estime de soi.
Au pire, les enfants privés de ce genre de jeu ont plus de chances de souffrir de troubles comme la dépression ou l’anxiété !
Veux-tu vraiment prendre ce risque-là ? ;-)
Pour gagner en confiance, les enfants doivent affronter des choses qui leur font peur. Ils ont besoin de voir que même après un échec, on peut toujours retenter sa chance. Avec le temps ça les amène à maîtriser de nouvelles habiletés.
Tu connais la meilleure ?
L'impact de cette maîtrise est encore plus intense si l'enjeu est majeur; si le risque d'échec - et même de blessure - est grand !
Quand on les laisse se débrouiller tout seuls, les enfants réduisent eux-mêmes les risques auxquels ils s'exposent.
Ils font ça d'instinct.
Ils confrontent leurs peurs à leur rythme. C'est leur apprentissage de la persistance et de la résilience, deux aptitudes super importantes qui vont leur servir toute leur vie.
En plus, en bougeant rapidement et en changeant souvent de position, comme sur une grande balançoire ou tout en haut d'une grosse roche, les enfants développent leur système vestibulaire. Étonnamment, ce système les aide à régulariser leurs émotions.
Et même à être plus attentif en classe !
Donc, peut-être bien que nos enfants ont encore plus besoin de l'escalade qu'on osait même le croire !
Poussons-les un peu. Et puis lâchons prise !